lunes, 3 de julio de 2006

En francés - Sobre la elección presidencial mexicana

Un nouveau président pour faire émerger le Mexique

La Tribune - édition du 03/07/06


Avec un PIB supérieur à ceux du Brésil et de l'Inde, le Mexique devrait figurer parmi les futurs géants économiques de la planète. Mais la croissance stagne, les gains de productivité sont faibles et les investissements étrangers sont rares. Il appartiendra au nouveau président élu ce matin de relever le défi de l'emploi en libéralisant un marché intérieur encore très protégé.

Les Mexicains se réveillent ce matin en connaissant le nom du président qu'ils ont élu hier. Le scrutin, extrêmement serré, opposait le conservateur Felipe Calderón, du PAN (Parti action nationale), le parti sortant, à Andrés Manuel López Obrador, du PRD (Parti de la révolution démocratique), parti de tendance socialiste. Roberto Madrazo, du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), centriste, avait en effet peu de chances de l'emporter.

Si l'élection présidentielle de 2000 avait déjà marqué la transition, avec la fin de la domination sans partage du PRI pendant soixante et onze ans, celle de 2006, après six ans d'apprentissage démocratique, signe désormais un choix de société. "Le Mexique est un pays traditionnellement divisé du point de vue économique. Alors qu'il ne l'était pas politiquement, il se réorganise maintenant sur ce plan", explique Ciro Murayama, économiste à l'Université nationale autonome du Mexique.

Réformes nécessaires

Dans ces conditions, on pouvait penser que les programmes politiques refléteraient ces clivages idéologiques. En fait, la question de la pauvreté, endémique dans le pays, et son corollaire, celle de l'emploi, se sont imposées d'elles-mêmes - Andrés Manuel López Obrador choisissant comme slogan "le bien de tous, surtout des pauvres", tandis que Felipe Calderón s'auto-proclamait "président de l'emploi".

Mais quelles que soient les recettes qui seront mises en place, elles devront atteindre le même objectif : doper la croissance économique. Car si le pays, habitué aux crises économiques, n'en a pas connu depuis 1994, et notamment pas pendant le mandat de Vicente Fox - ce qui est à mettre à son crédit -, il n'empêche, la croissance du PIB a déçu. Elle n'a atteint qu'une moyenne annuelle de 1 % environ sur les six dernières années, alors que le candidat Fox avait promis une croissance de 6 % à 7 % par an. Pis, les perspectives de croissance restent faibles, surtout si certaines réformes ne sont pas menées à bien. "Le Mexique ne pourra pas atteindre une croissance de plus de 4 % sans s'ouvrir aux investissements et améliorer la productivité et la compétitivité", affirme Pablo Cotler, économiste à l'Université ibéro-américaine à Mexico. Or, c'est justement ce type de croissance forte dont le Mexique aurait besoin, non seulement pour réduire les inégalités sociales, mais aussi pour s'intégrer au groupe des "Bric" (Brésil, Russie, Inde et Chine, autrement dit les prochains poids lourds de l'économie mondiale). Avec un PIB de 637 milliards de dollars, supérieur à celui du Brésil (452 milliards) et à celui de l'Inde (510 milliards) en 2004, le Mexique, douzième économie mondiale, pourrait logiquement prétendre en faire partie.

Freins

Qu'est-ce qui empêche donc le Mexique d'accéder à ce club fermé ? De nombreux freins à la croissance, que le nouveau président devra tenter d'éliminer. Le pays se trouve en effet dans une situation paradoxale. D'un côté, il est très ouvert commercialement - puisque c'est l'État ayant signé le plus de traités commerciaux au monde, et en particulier l'accord de libre-échange de 1994 avec les États-Unis et le Canada. Mais, de l'autre, il reste protégé sur son marché intérieur, où monopoles d'État (tels l'EDF mexicaine et Petróleos de México-Pemex) et monopoles privés (comme Telmex, l'empire des télécoms du multimillionnaire Carlos Slim) dictent les prix. Et le phénomène a la vie dure. Par exemple, même si une relative concurrence s'est maintenant installée dans le secteur financier, les Mexicains payent encore très cher leurs services bancaires.

Autre obstacle : des gains de productivité très faibles (seulement quelques décimales sur les six dernières années) et qui pèsent sur la compétitivité des produits "made in Mexico" à l'international. Ainsi, en 2003, la Chine a ravi au Mexique son statut de deuxième fournisseur des États-Unis. Une Chine qui, en outre, voit les investissements directs étrangers affluer tandis que le Mexique peine à en attirer. De quoi mettre à mal une stratégie économique fondée précisément sur les exportations, notamment grâce aux "maquiladoras", ces usines d'assemblage situées du côté mexicain du rio Grande. De quoi pénaliser sérieusement la création d'emplois également. Et pourtant, le Mexique en a un besoin criant. Plus d'un million de Mexicains arrivent sur le marché du travail tous les ans, alors que l'économie ne génère que 180.000 postes déclarés et 240.000 dans le secteur informel. Pas étonnant que l'émigration soit une solution adoptée par près d'un demi-million de Mexicains chaque année... Pourtant, insistait le candidat de gauche : "Passer la frontière ne doit plus être un destin."

Alliances politiques

Pour rompre avec cette fatalité, le prochain président devra cependant composer avec un Congrès divisé à égalité entre les trois principales forces politiques, s'il veut faire passer des réformes. Pour cela, il aura besoin d'une habileté politique qui a tant fait défaut à Vicente Fox. Et, selon Ciro Murayama, c'est là d'ailleurs que le PRI, même en perte de vitesse actuellement, pourrait retrouver un rôle central, dans un jeu d'alliances devenu indispensable. La classe politique mexicaine sera-t-elle à la hauteur de ce défi ? Si elle ne l'est pas, la société civile, qui a gagné en maturité ces six dernières années, pourrait bien faire entendre sa voix. "Au-delà de l'élection, l'enjeu des six prochaines années consistera à démontrer que nous avons, en tant que société, la capacité d'obliger les partis et le gouvernement à être plus efficaces, conclut Sergio Aguayo, professeur au Collège du Mexique. C'est là le véritable sens de la lutte démocratique."

Laurence Pantin, à Mexico, et Lysiane J. Baudu, envoyée spéciale

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