miércoles, 9 de junio de 2004

En francés - Sobre el origen de las maquiladoras

Etats-Unis - Mexique, la genèse des « maquiladoras »

Les Echos n° 19175 du 09 Juin 2004 • page 106

LAURENCE PANTIN

C'est en voulant fermer la porte aux travailleurs étrangers que les syndicats américains ont poussé leurs entreprises à exporter des emplois pour la première fois. Lorsqu'en 1964 le président démocrate Lyndon Johnson supprime, sous la pression des syndicats, le programme Bracero _ un dispositif datant de la Deuxième Guerre mondiale pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre masculine en permettant à des frontaliers de travailler temporairement aux Etats-Unis _ des milliers de Mexicains se retrouvent soudain au chômage de l'autre côté de Rio Grande. Pour résoudre ce problème et à la demande des industriels américains confrontés à la concurrence japonaise, Mexico créera l'année suivante un programme d'exemption d'impôts et de droits de douane pour les entreprises américaines désireuses d'installer des usines du côté mexicain de la frontière.

Connues au Mexique sous l'appellation de « maquiladoras », ces entreprises délocalisées importent les matières premières nécessaires à la production, utilisent la main-d'oeuvre locale bon marché et réexportent les produits finis dans des conditions fiscales avantageuses. Confrontées à la nécessité de vendre à moindre prix, donc de produire à moindre coût, certaines entreprises américaines voient dans les « maquiladoras » une option pour affronter la concurrence internationale. Ainsi est née aux Etats-Unis l'idée de « délocaliser ».

Entrée en vigueur de l'Alena
« Au départ, il s'agissait uniquement d'utiliser la main-d'oeuvre bon marché, explique Verónica Baz, économiste au Centre de recherche pour le développement. Les décisions se prenaient dans les maisons mères aux Etats-Unis et la valeur ajoutée octroyée aux produits par le travail au Mexique était presque nulle. » Ces usines, qui appartenaient surtout au secteur textile, ont formé la première génération de « maquiladoras ». Puis une deuxième génération d'usines s'est implantée sur le territoire mexicain, produisant des biens de plus haute valeur ajoutée, notamment dans l'électronique et de l'automobile. Et, selon certains spécialistes, une troisième génération serait arrivée, reposant sur des technologies de pointe et une main-d'oeuvre plus qualifiée.

Les périodes d'expansion de ce secteur industriel particulier sont survenues lors des diverses récessions qu'a subies le pays à cause des dévaluations successives du peso, dont la conséquence a été la baisse des coûts salariaux en dollars. Mais le grand tournant a été l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (l'Alena) en 1994, qui a incité des entreprises autres qu'américaines à délocaliser au Mexique. « Avoir accès au marché américain _ sans payer de droits de douane _ tout en produisant avec la main-d'oeuvre bon marché du Mexique représentait une grande opportunité », explique Verónica Baz.

C'est d'ailleurs lors des négociations sur l'Alena que certains, en particulier la plus grande confédération syndicale des Etats-Unis, l'AFL-CIO, ont dénoncé les délocalisations vers le voisin mexicain. Sous la pression des syndicats américains, les négociateurs de l'accord y ont ajouté un texte veillant au respect des droits du travail et des conditions minimales de rémunération. Peine perdue puisque, selon les estimations du bureau d'aide au retour à l'emploi, créé pour les citoyens américains au chômage à cause de l'Alena, plus de 230.000 emplois auraient été éliminés et près de 2.300 usines fermées entre 1994 et 1997.

Ironie du sort : la concurrence chinoise ayant récemment frappé de plein fouet les « maquiladoras », le Mexique vit aujourd'hui ce que les Etats-Unis ont vécu depuis plusieurs décennies. Depuis octobre 2000, plus de 280.000 emplois ont été perdus et 845 usines ont fermé. Signe que le phénomène est d'une toute autre ampleur, le Mexique n'a jamais fait l'objet d'une plainte telle que celle présentée en mars à Robert Zoellick, le représentant américain au Commerce, par l'AFL-CIO. Dénonçant la violation persistante des droits des travailleurs chinois, qui constituerait une pratique commerciale injuste, le syndicat exige l'imposition de sanctions contre Pékin.

Alors que les plus pessimistes prédisent que les « maquiladoras » sont vouées à disparaître, beaucoup s'interrogent sur ce qu'elles ont apporté. Leur principale contribution a consisté à créer des emplois (plus de 1,3 million en octobre 2000). Mais ce secteur n'a pas joué un rôle moteur pour le développement national. Le Mexique n'a pas su développer un réseau de fournisseurs nationaux qui aurait pu s'intégrer à l'activité des « maquiladoras ». Le pourcentage de biens intermédiaires d'origine mexicaine utilisés dans ce secteur n'est que de 3 % à 4 %. « Effectivement, ces entreprises s'en vont, conclut Verónica Baz. Qu'elles s'en aillent est naturel. Le problème, c'est que nous ne faisons pas assez pour en attirer de nouvelles. »


LAURENCE PANTIN est correspondante des « Echos » à Mexico.

http://archives.lesechos.fr/archives/2004/LesEchos/19175-515-ECH.htm?texte=Laurence Pantin