martes, 8 de febrero de 2005

En francés - Sobre Pemex

Pemex : la poule aux oeufs d'or vieillit

La Tribune - édition du 08/02/05


Le monopole public mexicain des hydrocarbures est bien plus qu'une compagnie pétrolière. Petróleos Mexicanos (Pemex) est le "pilier de l'économie du pays", selon un représentant de l'entreprise. Produisant plus de 3 millions de barils de pétrole brut et 128 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour, Pemex est le troisième producteur de brut au monde et a encaissé l'année dernière plus de 21 milliards de dollars grâce à ses exportations. Des résultats tout à fait honorables.

Cependant, c'est au sens littéral qu'il faut comprendre l'épithète du porte-parole, car en plus d'afficher de bons résultats, Pemex en fait profiter tout le pays. Sa contribution au fisc représentant près de 35 % des revenus de l'Etat, l'entreprise peut se vanter de financer une grande partie du développement du pays. C'est justement là que le bât blesse. "Aucune autre entreprise n'accepterait le régime fiscal de Pemex", estime Angel de la Vega, économiste à l'université nationale autonome du Mexique.

Conséquence : depuis près de vingt ans, Pemex n'a plus les moyens d'investir dans des projets d'expansion, ni même dans la maintenance. Pas étonnant que les accidents s'accumulent, comme ces récentes fuites dans des oléoducs qui ont contaminé un fleuve près de Veracruz. En outre, à la différence de son concurrent brésilien Petrobras, Pemex est à la traîne sur le plan technologique. Finalement, l'entreprise ne renouvelle plus ses réserves, alors que ce ne sont pas les ressources naturelles qui manquent. Pemex n'a lancé aucune activité d'exploration sérieuse dans le golfe du Mexique, alors que les Américains et les Cubains ne se sont pas fait prier pour exploiter le butin.

Or les besoins du pays en pétrole et en gaz naturel (que le Mexique est déjà obligé d'importer) augmentent rapidement. La situation est d'autant plus tragique que la solution paraît évidente. Elle commence par une réforme fiscale qui permettrait d'obtenir plus de recettes, allégeant le fardeau de Pemex. Mais le gouvernement de Vicente Fox n'est jamais parvenu à négocier un accord avec ses adversaires politiques sur ce plan-là.

Privatisation improbable

Pour sortir de l'impasse, certains experts voudraient que les activités d'exploration et d'exploitation s'ouvrent à l'investissement privé, ce que la Constitution interdit. Des contrats pour le transport et la distribution de gaz naturel ont déjà été accordés à des entreprises privées, comme GDF ou Repsol, au risque d'être déclarés anticonstitutionnels. Bien qu'une réforme constitutionnelle soit indispensable, elle est improbable dans la conjoncture politique actuelle. Beaucoup de Mexicains ont peur qu'une ouverture aux capitaux privés de certaines activités pétrolières ne soit qu'un euphémisme pour la privatisation de Pemex. Ayant souffert des conséquences de privatisations désastreuses, ils sont très attachés à la plus prestigieuse de leurs dernières entreprises publiques. Créée en 1938, après la nationalisation des compagnies pétrolières étrangères par Lázaro Cárdenas, Pemex représente pour le peuple mexicain l'indépendance du pays vis-à-vis de l'extérieur.

Mais Pemex est également l'objet de la convoitise des partis politiques. Lors de la dernière élection présidentielle, des fonds du syndicat de Pemex avaient servi à financer la campagne du candidat du parti au pouvoir jusqu'alors. "Qui contrôle Pemex et ses revenus peut influencer les élections", selon de la Vega. Sachant que le prochain président sera élu en 2006, l'enjeu est de taille.

Laurence Pantin